Cours de philosophie en ligne du CETAD
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IRÉNÉE DE LYON
Valentin et Ellen Davydov

SEMAINE 5
Si tu es l’ouvrage de Dieu, attends tout de sa main : livre-toi à Celui qui peut te modeler et qui fais bien toutes choses et reçois en toi la forme que le Maître Ouvrier veux te donner. Garde en toi cette humilité qui vient de la grâce, de peur que ta rudesse n’empêche le Seigneur d’imprimer en toi la marque de son doigt. C’est en recevant cette empreinte que tu deviendras parfait, et seul le Seigneur pourra faire une œuvre d’art avec cette pauvre argile que tu es. En effet, faire est le propre de la bonté de Dieu et Le laisser faire, c’est le rôle qui convient à ta nature d’homme. Amen. |
Connaître Dieu selon l’amour
Question générale de la semaine Irénée pense-t-il qu’à côté de la gnose (= connaissance) au nom menteur, il en existe une qui est véridique ? |
Textes de la semaine
Texte 1 – Connaître Dieu selon l’amour : Adversus Haereses IV 20, 4-5-7

Selon sa grandeur, Dieu est inconnu de tous les êtres faits par lui : car personne n’a scruté son élévation, ni parmi les anciens ni parmi les contemporains. Cependant selon son amour, il est connu en tout temps grâce à Celui par qui il a créé toutes choses : celui-ci n’est autre que son Verbe, notre Seigneur Jésus-Christ, qui, dans les derniers temps, s’est fait homme parmi les hommes afin de rattacher la fin au commencement, c’est-à-dire l’homme à Dieu. Voilà pourquoi les prophètes, après avoir reçu de ce même Verbe le charisme de prophétie, ont prêché à l’avance sa venue selon la chair, par laquelle le mélange et la communion de Dieu ont été réalisés selon le bon plaisir du Père. Dès le commencement, en effet, le Verbe a annoncé que Dieu serait vu des hommes, qu’il vivrait et converserait avec eux sur la terre et qu’il se rendrait présent à l’ouvrage par lui modelé, pour le sauver et se laisser saisir par lui, « pour nous délivrer des mains de ceux qui nous haïssent », c’est-à-dire de tout esprit de transgression, et pour faire en sorte que « nous le servions avec sainteté et justice tous les jours de notre vie » (Lc 1, 71-75), afin que, enlacé à l’Esprit de Dieu, l’homme accède à la gloire du Père. […]
Certes, selon sa grandeur et son inexprimable gloire, « nul ne verra Dieu et vivra » (Ex 33, 20), car le Père est insaisissable ; mais selon son amour, sa bonté envers les hommes et sa toute-puissance, il va jusqu’à accorder à ceux qui l’aiment le privilège de voir Dieu – ce que, précisément, prophétisaient les prophètes – car « ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu » (Lc 18, 27). Par lui-même, en effet, l’homme ne pourra jamais voir Dieu ; mais Dieu, s’il le veut, sera vu des hommes, de ceux qu’il veut, quand il veut et comme il veut. Car Dieu peut tout : vu autrefois par l’entremise de l’Esprit selon le mode prophétique, puis vu par l’entremise du Fils selon l’adoption, il sera vu encore dans le royaume des cieux selon la paternité, l’Esprit préparant d’avance l’homme pour le Fils de Dieu, le Fils conduisant au Père et le Père lui donnant l’incorruptibilité et la vie éternelle, qui résultent de la vue de Dieu pour ceux qui le voient. Car, de même que ceux qui voient la lumière sont dans la lumière et participent à sa splendeur, de même ceux qui voient Dieu sont en Dieu et participent à sa splendeur. Or vivifiante est la splendeur de Dieu. Ils auront donc part à la vie, ceux qui voient Dieu. Tel est le motif pour lequel celui qui est insaisissable, incompréhensible et invisible s’offre à être vu, compris et saisi par les hommes : c’est afin de vivifier ceux qui le saisissent et qui le voient. Car, si sa grandeur est inscrutable, sa bonté aussi est inexprimable, et c’est grâce à elle qu’il se fait voir et qu’il donne la vie à ceux qui le voient. Car il est impossible de vivre sans la vie, et il n’y a de vie que par la participation à Dieu, et cette participation à Dieu consiste à voir Dieu et à jouir de sa bonté. […]
Car la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu.
Questions de la semaine Pourquoi ne pouvons-nous pas connaître Dieu selon sa grandeur ? Quand Irénée dit que selon son amour Dieu sera vu des hommes, quel sens peut-on donner au mot « amour » ? Qu’est-ce que « voir Dieu » pour Irénée ? Comment la « vision » de Dieu est-elle source de vie éternelle ? |
Texte 2 – Le Dessein de Dieu et le signe de Jonas : Adversus Haereses III, 20, 1

Il en a été de l’homme comme du prophète Jonas. Dieu a permis que celui-ci fût englouti par un monstre marin, non pour qu’il disparût et pérît totalement, mais pour qu’après avoir été rejeté par le monstre il fût plus soumis à Dieu et qu’il glorifiât d’avantage Celui qui lui donnait un salut inespéré. C’était aussi pour qu’il provoquât un ferme repentir chez les Ninivites, en sorte que ceux-ci se convertissent au Seigneur qui les délivrait de la mort, terrifiés qu’ils seraient par le signe accompli en Jonas. Comme le dit à leur sujet l’Ecriture : « Et ils se détournèrent chacun de la voie mauvaise et de l’iniquité qui était dans leurs mains, en disant : Qui sait si Dieu ne se repentira pas et ne détournera pas de nous sa colère, en sorte que nous ne périssions pas ? » (Jonas 3, 1-9). De la même manière, dès le commencement, Dieu a permis que l’homme fût englouti par le grand monstre, auteur de la transgression, non pour qu’il disparût et pérît totalement, mais parce que Dieu préparait à l’avance l’acquisition du salut qu’a effectuée le Verbe, par le moyen du « signe de Jonas » (Mt 12, 39-40), au bénéfice de ceux qui auront eu sur Dieu le même sentiment que Jonas, qui l’auront confessé et qui auront dit : « Je suis le serviteur du Seigneur et j’honore le Seigneur, le Dieu du ciel, qui a fait la mer et la terre ferme ». Dieu a voulu que l’homme recevant de lui un salut inespéré, ressuscite d’entre les morts, qu’il glorifie Dieu et qu’il dise la parole prophétique de Jonas : « J’ai crié vers le Seigneur mon Dieu dans ma détresse, et il m’a exaucé du ventre de l’enfer ». Dieu a voulu que l’homme demeure toujours fidèle à le glorifier et à lui rendre grâces sans cesse pour le salut reçu de lui, « en sorte qu’aucune chair ne se glorifie devant le Seigneur » que l’homme n’admette jamais plus sur Dieu des pensées contraires à celui-ci, en prenant pour une propriété naturelle l’incorruptibilité dont il jouissait, et qu’il ne délaisse plus jamais la vérité pour la jactance d’un vain orgueil, comme s’il était naturellement semblable à Dieu. Car cet orgueil même, en le rendant bien plutôt ingrat envers son Créateur, lui avait masqué l’amour dont il était l’objet de la part de Dieu et avait aveuglé son esprit, l’empêchant d’avoir sur Dieu des pensées dignes de celui-ci, le poussant au contraire à se comparer à Dieu et à s’estimer son égal.
Questions de la semaine Qu’est-ce qu’Irénée retient de l’histoire de Jonas ? Comment, à travers cette histoire, le dessein de Dieu sur l’humanité peut-il être perçu ? Pourquoi Irénée juge-t-il indispensable que l’homme sache qu’il n’est pas naturellement semblable à Dieu ? A quelle condition pouvons-nous avoir sur Dieu des idées dignes de lui ? |
Texte 3 – Le salut d’Adam et de sa descendance : Adversus Haereses III, 23, 1-2

Il était donc indispensable que, venant vers la brebis perdue, récapitulant une si grande « économie » et recherchant son propre ouvrage par lui modelé, le Seigneur sauvât cet homme-là même qui avait été fait à son image et à sa ressemblance, c’est-à-dire Adam, lorsque celui-ci aurait accompli le temps de sa condamnation due à la désobéissance ce temps que le Père avait fixé en sa puissance, puisque toute l’ »économie » du salut de l’homme se déroulait selon le bon plaisir du Père afin que Dieu ne fût pas vaincu et que son art ne fût pas tenu en échec. Si en effet cet homme même que Dieu avait créé pour vivre, lésé par le serpent corrupteur, avait perdu la vie sans espoir de retour et s’était vu définitivement jeté dans la mort, Dieu eût été vaincu et la malice du serpent l’eût emporté sur la volonté de Dieu. Mais parce que Dieu est invincible et longanime, il a commencé par user de longanimité, en permettant que l’homme tombe sous le coup d’une peine et fasse ainsi l’expérience de toutes les situations, ainsi que nous l’avons déjà dit ; ensuite, par le « second homme » (1 Co 15, 47) il a ligoté le « fort » s’est emparé de ses meubles et a détruit la mort, en rendant la vie à l’homme que la mort avait frappé (Mt 12, 29).
Or, à parler vrai, c’est d’Adam qu’il s’agit, car c’est lui cet homme modelé en premier lieu dont l’Ecriture rapporte que Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance ». Nous, nous sommes tous issus de lui et, parce que nous sommes issus de lui, nous avons hérité de son nom. Si donc l’homme est sauvé, il faut que soit sauvé l’homme qui a été modelé le premier. Il serait par trop déraisonnable, en effet, de prétendre que celui qui a été gravement lésé par l’ennemi et qui le premier a souffert la captivité n’a pas été délivré par Celui qui a vaincu l’ennemi, alors que seraient délivrés les fils qu’il a engendrés dans cette même captivité. Au surplus, l’ennemi n’apparaîtra même pas comme vaincu, si ses anciennes dépouilles demeurent auprès de lui.
Supposons que de ennemis aient remporté une victoire sur certains hommes, les aient chargés de chaînes, emmenés en captivité et possédés en esclavage assez de temps pour qu’ils aient eu des enfants ; supposons également que quelqu’un, affligé du sort de ces gens ainsi réduits en esclavage, vienne à triompher de ces mêmes ennemis : agira-t-il avec justice, s’il se contente de délivrer les fils des captifs du pouvoir de ceux qui ont réduit leurs pères en esclavage ? Mais Dieu n’est ni impuissant ni injuste, lui qui est venu au secours de l’homme et l’a rétabli dans sa liberté.
Questions de la semaine Pourquoi Adam ne pouvait-il pas être définitivement perdu ? A quelle condition l’ « ennemi » pourra-t-il être considéré comme réellement vaincu ? Comment Irénée conçoit-il le salut de l’homme ? |