Cours de philosophie en ligne du CETAD
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IRÉNÉE DE LYON
Valentin et Ellen Davydov

SEMAINE 3
Si tu es l’ouvrage de Dieu, attends tout de sa main : livre-toi à Celui qui peut te modeler et qui fais bien toutes choses et reçois en toi la forme que le Maître Ouvrier veux te donner. Garde en toi cette humilité qui vient de la grâce, de peur que ta rudesse n’empêche le Seigneur d’imprimer en toi la marque de son doigt. C’est en recevant cette empreinte que tu deviendras parfait, et seul le Seigneur pourra faire une œuvre d’art avec cette pauvre argile que tu es. En effet, faire est le propre de la bonté de Dieu et Le laisser faire, c’est le rôle qui convient à ta nature d’homme. Amen. |
La vocation de l’homme
Question générale Quelle compréhension Irénée donne-t-il ici de Dieu et de l’homme ? |
Texte 1 – La vocation de l’homme : Adversus Haereses IV, 38, 3-4

Du côté de Dieu se manifestent à la fois la puissance, la sagesse et la bonté : la puissance, et déjà la bonté, en ce qu’il crée et fait volontairement des êtres non encore existants ; la sagesse en ce qu’il donne proportion, mesure et organisation aux êtres ainsi produits ; sa suréminente bonté, enfin, grâce à laquelle ces êtres, en recevant accroissement et en se maintenant toujours plus avant dans l’existence, obtiendront la gloire de l’Incréé, Dieu leur octroyant généreusement ce qui est bon. Car, du fait qu’ils sont venus à l’existence, ils ne sont pas incréés ; mais, du fait de leur persistance à travers la longueur des siècles, ils recevront la puissance de l’Incréé, Dieu leur donnant gratuitement l’éternelle pérennité. Et ainsi Dieu aura la primauté en tout, puisqu’il est le seul incréé, qu’il est antérieur à tout et qu’il est cause d’être pour tout. Quant à tout le reste, il demeure dans la soumission à Dieu, et cette soumission à Dieu est l’incorruptibilité, et la permanence de l’incorruptibilité est la gloire de l’Incréé. Tel est donc l’ordre, tel est le rythme, tel est l’acheminement par lequel l’homme créé et modelé devient à l’image et à la ressemblance du Dieu incréé : le Père décide et commande, le Fils exécute et modèle, l’Esprit nourrit et fait croître, et l’homme progresse peu à peu et s’élève vers la perfection, c’est-à-dire s’approche de l’Incréé, et celui-ci est Dieu. Quant à l’homme, il fallait qu’il vînt d’abord à l’existence, qu’étant venu à l’existence il grandît, qu’ayant grandi il devînt adulte, qu’étant devenu adulte, il se multipliât, que s’étant multiplié, il prît des forces, qu’ayant pris des forces il fût glorifié, et enfin qu’ayant été glorifié il vît son Seigneur : car c’est Dieu qui doit être vu un jour, et la vision de Dieu procure l’incorruptibilité, et « l’incorruptibilité fait être près de Dieu ».
Ils sont donc tout à fait déraisonnables, ceux qui n’attendent pas le temps de la croissance et font grief à Dieu de la faiblesse de leur nature. Dans leur ignorance de Dieu et d’eux-mêmes, ces insatiables et ces ingrats refusent d’être d’abord ce qu’ils ont été faits, des hommes sujets aux passions ; outrepassant la loi de l’humaine condition, avant même d’être des hommes, ils veulent être semblables au Dieu qui les a faits et voir s’évanouir toute différence entre le Dieu incréé et l’homme nouvellement venu à l’existence. Ils sont plus déraisonnables que les animaux sans raison, car ceux-ci ne reprochent pas à Dieu de ne pas les avoir faits hommes, mais chacun rend grâces d’avoir été fait ce qu’il a été fait. Nous, au contraire, nous lui faisons un crime de ce que nous n’avons pas été faits dieux dès le commencement, mais d’abord hommes et seulement ensuite dieux. Pourtant, dans la simplicité de sa bonté, Dieu a fait même cela, pour que nul ne le croie envieux ou avare, car il a dit : « J’ai dit : Vous êtes des dieux, vous êtes tous des fils du Très-Haut » (Psaume 81, 6) ; mais, parce que nous étions incapables de porter la puissance de la divinité, il ajoute : « Mais vous, comme des hommes, vous mourrez ». Il exprimait par-là ces deux choses : la générosité de son don, d’une part ; notre faiblesse et notre libre arbitre d’autre part. Dans sa générosité en effet, il a donné magnifiquement le bien et a fait les hommes maîtres d’eux-mêmes à sa ressemblance ; dans sa prescience d’autre part, il a connu la faiblesse des hommes et ce qui devait en résulter ; dans son amour et sa puissance enfin, il triomphera de la substance de la nature créée. Ainsi fallait-il que d’abord apparût cette nature, qu’ensuite ce qui est mortel fût vaincu et englouti par l’immortalité, et ce qui est corruptible par l’incorruptibilité, et que l’homme devînt à l’image et à la ressemblance de Dieu, après avoir reçu la connaissance du bien et du mal.
Questions de la semaine Irénée est convaincu que les hommes créés recevront la gloire de l’Incréé et deviendront son image : sur quoi fonde-t-il cette conviction ? Comment Irénée envisage-t-il l’œuvre de chacune des personnes de la Trinité pour réaliser le salut de l’humanité ? Comment Irénée comprend-il l’incorruptibilité ? Pourquoi les hérétiques sont-ils déclarés insatiables et ingrats ?Quel peut être notre rôle dans la divinisation qui nous est promise ? |
Texte 2 – Le dessein créateur : Adversus Haereses IV, 14, 1

Au commencement non plus, ce ne fut pas parce qu’il avait besoin de l’homme que Dieu modela Adam, mais pour avoir quelqu’un en qui déposer ses bienfaits. Car non seulement avant Adam, mais avant toute créature, le Verbe glorifiait le Père, tout en demeurant en lui, et il était glorifié par le Père, comme il le dit lui-même : « Père, glorifie-moi de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fût » (Jn 17, 5). Ce ne fut pas d’avantage parce qu’il avait besoin de notre service qu’il nous commanda de le suivre, mais pour nous procurer à nous-mêmes le salut. Car suivre le Sauveur c’est avoir part au salut, comme suivre la lumière c’est avoir part à la lumière. Lorsque des hommes sont dans la lumière, ce ne sont pas eux qui illuminent la lumière et la font resplendir, mais ils sont illuminés et rendus resplendissants par elle ; loin de lui apporter quoi que ce soit, ils bénéficient de la lumière et en sont illuminés. Ainsi en va-t-il du service envers Dieu : à Dieu il n’apporte rien, car Dieu n’a pas besoin du service des hommes ; mais, à ceux qui le servent et qui le suivent, Dieu procure la vie, l’incorruptibilité et la gloire éternelle. Il accorde ses bienfaits à ceux qui le servent, parce qu’ils le servent, et à ceux qui le suivent parce qu’ils le suivent ; mais il ne reçoit d’eux nul bienfait, car il est parfait et sans besoin. Si Dieu sollicite le service des hommes c’est pour pouvoir, lui qui est bon et miséricordieux, accorder ses bienfaits à ceux qui persévèrent dans son service. Car, de même que Dieu n’a besoin de rien, de même l’homme a besoin de la communion de Dieu. Car la gloire de l’homme, c’est de persévérer dans le service de Dieu. C’est pourquoi le Seigneur le disait à ses disciples : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 16), indiquant par là que ce n’était pas eux qui le glorifiaient en le suivant, mais que, du fait qu’ils suivaient le Fils de Dieu, ils étaient glorifiés par lui. Et encore « Je veux que, là où je suis, ceux-là soient aussi, afin qu’ils voient ma gloire » (Jn 17, 24) : nulle vantardise en cela, mais volonté de faire partager sa gloire à ses disciples.
[…] Ainsi Dieu, au commencement, a modelé l’homme en vue de ses dons ; il a fait choix des patriarches en vue de leur salut ; il formait par avance le peuple, enseignant aux ignorants à suivre Dieu ; il instruisait les prophètes, accoutumant l’homme dès cette terre à porter son Esprit et à posséder la communion avec Dieu. Lui qui n’avait besoin de rien, il accordait sa communion à ceux qui avaient besoin de lui : pour ceux qui lui étaient agréables, il dessinait, tel un architecte, l’édifice du salut ; à ceux qui ne voyaient pas, en Egypte, il servait lui-même de guide ; aux turbulents, dans le désert, il imposait la Loi appropriée ; à ceux qui entraient dans la bonne terre, il procurait l’héritage convenable ; enfin pour ceux qui revenaient vers le Père, il immolait le veau gras, et il leur faisait présent de la meilleure robe. Ainsi de multiples manières, disposait-il le genre humain en vue de la « symphonie » du salut.
Questions de la semaine Pourquoi Dieu crée-t-il l’homme ? Dieu n’a pas besoin des hommes, pour autant se désintéresse-t-il de leur conduite ? Dieu désire le salut des hommes : quelles preuves Irénée en trouve-t-il dans l’histoire d’Israël ? Quelle idée Irénée se fait-il de Dieu ? |
Texte 3 – L’unité des deux Testaments : Adversus Haereses IV, 34, 1-3

Nous dirons donc à l’adresse de tous les hérétiques, et d’abord des disciples de Marcion et de ceux qui comme eux prétendent que les prophètes relevaient d’un autre Dieu : lisez avec attention l’Evangile qui nous a été donné par les apôtres, lisez aussi les prophéties, et vous constaterez que toute l’œuvre, toue la doctrine et toute la Passion de notre Seigneur y ont été prédites.
Mais alors, penserez-vous peut-être, qu’est-ce que le Seigneur a apporté de nouveau par sa venue ? Eh bien, sachez qu’il a apporté toute nouveauté, en apportant sa propre personne annoncée par avance : car ce qui était annoncé par avance, c’était précisément que la Nouveauté viendrait renouveler et revivifier l’homme. Si, en effet, la venue du Roi est annoncée à l’avance par les serviteurs que l’on envoie, c’est pour la préparation de ceux qui auront à accueillir leur Seigneur. Mais lorsque le Roi est arrivé, que ses sujets ont été remplis de la joie annoncée, qu’ils ont reçu de lui la liberté, qu’ils ont bénéficié de sa vue, entendu ses paroles et joui de ses dons, alors, du moins pour les gens sensés, ne se pose plus la question de savoir ce que le Roi a apporté de nouveau par rapport à ceux qui avaient annoncé sa venue : car il a apporté sa propre personne et fait don aux hommes des biens annoncés par avance et « que les messagers désiraient contempler » (1 Pierre 1, 12 ).
Car ces serviteurs eussent été des menteurs, et non les envoyés du Seigneur, si le Christ n’avait pas accompli leurs oracles en venant tel exactement qu’il avait été annoncé. C’est pourquoi il disait : « Ne croyez pas que je sois venu abolir la Loi ou les prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Car je vous le dis en vérité, jusqu’à ce que passe le ciel et la terre, pas un seul iota ou un seul trait ne passera de la Loi ou des prophètes, que tout ne se fasse » (Mt 5, 17-18). Car il a tout accompli par sa venue, et il accomplit encore dans l’Eglise, jusqu’à la consommation finale, la nouvelle alliance annoncée à l’avance par la Loi.
Or, comment les prophètes eussent-ils pu prédire la venue du Roi, annoncer à l’avance la bonne nouvelle de la liberté qu’il allait accorder, proclamer à l’avance tout ce que le Christ fit en parole et en œuvre, ainsi que sa Passion et annoncer la nouvelle alliance, s’ils avaient reçu l’inspiration prophétique d’un autre Dieu qui ignorait, selon vous, le Père inexprimable et son royaume et ses « économies », ces « économies » que le Fils de Dieu a précisément accomplies en ces derniers jours en venant sur la terre. Car vous ne pouvez prétendre que ces choses sont arrivées par hasard, comme si, après avoir été dites d’un autre par les prophètes, elles étaient arrivées de façon toute semblable au Seigneur.
Questions de la semaine Comment Irénée répond-il à l’objection selon laquelle si l’Evangile ne dit rien d’autre que les prophéties, il n’apporte aucune nouveauté ? Parce que Jésus « accomplit » les Ecritures, peut-on en conclure que le Dieu de l’Ancien Testament et celui de l’Evangile sont un seul et même Dieu ? Est-il légitime de dire que Jésus est venu tel exactement qu’il avait été annoncé ? En quel sens l’Eglise accomplit-elle les Ecritures ? |