Cours de philosophie en ligne du CETAD 

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IRÉNÉE DE LYON

Valentin et Ellen Davydov 

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SEMAINE 2

  Si tu es l’ouvrage de Dieu, attends tout de sa main : livre-toi à Celui qui peut te modeler et qui fais bien toutes choses et reçois en toi la forme que le Maître Ouvrier veux te donner.
Garde en toi cette humilité qui vient de la grâce, de peur que ta rudesse n’empêche le Seigneur d’imprimer en toi la marque de son doigt.
C’est en recevant cette empreinte que tu deviendras parfait, et seul le Seigneur pourra faire une œuvre d’art avec cette pauvre argile que tu es.
En effet, faire est le propre de la bonté de Dieu et Le laisser faire, c’est le rôle qui convient à ta nature d’homme.
Amen.  

La nouveauté de Jésus-Christ

  Question générale de la semaine
Pour Irénée de Lyon, qui est Jésus-Christ ?  

Textes de la semaine

Texte 1 – La nouveauté de Jésus Christ : Adversus  Haereses III, 21, 10- 22, 1-2

De même que, par la désobéissance d’un seul homme, le péché a fait son entrée et que, par le péché, la mort a prévalu, de même, par l’obéissance d’un seul homme, la justice a été introduite et a produit des fruits de vie chez les hommes qui autrefois étaient morts. ( Rm 5, 12-19 ) Et de même que ce premier homme modelé, Adam, a reçu sa substance de la terre intacte et vierge encore —   » car Dieu n’avait pas encore fait pleuvoir et l’homme n’avait pas encore travaillé la terre »( Gn 2, 5 ) – et qu’il a été modelé par la main de Dieu, c’est-à-dire par le Verbe de Dieu – « car tout a été fait par son entremise »  et  » le Seigneur prit du limon et en modela l’homme »—  de même, récapitulant en lui-même Adam, lui le Verbe, c’est de Marie encore Vierge qu’à juste titre il a reçu cette génération qui est la récapitulation d’Adam.

Si donc le premier Adam avait eu pour père un homme et était né d’une semence d’homme, ils auraient raison de dire que le second Adam a été aussi engendré de Joseph. Mais si le premier Adam a été pris de la terre et modelé par le Verbe de Dieu, il fallait que ce même Verbe, effectuant en lui-même la récapitulation d’Adam, possédât la similitude d’une génération identique.  Mais alors, objectera-t-on, pourquoi Dieu n’a-t-il pas à nouveau pris du limon et a-t-il fait sortir de Marie l’ouvrage qu’il modelait ? — Pour qu’il n’y eût pas un autre ouvrage modelé et que ce ne fût pas un autre ouvrage qui fût sauvé, mais que celui-là même fût récapitulé, du fait que serait préservée la similitude en question.

Ils sont donc dans l’erreur ceux qui disent que le Christ n’a rien reçu de la Vierge, parlant de la sorte afin de rejeter l’héritage de la chair, mais rejetant du même coup la similitude. Si en effet Adam a reçu son modelage et sa substance de la terre par la main et l’art de Dieu, et si, de son côté, le Christ ne les pas reçus de Marie par cet art de Dieu, on ne pourra plus dire que le Christ ait gardé la similitude de cet homme qui fut fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, et l’Artisan apparaîtra comme manquant de suite, faute d’avoir un objet en lequel il puisse faire preuve de son savoir-faire. Autant dire que le Christ ne s’est montré qu’en apparence comme s’il était un homme alors qu’il ne l’était pas, et qu’il s’est fait homme sans rien prendre de l’homme ! Car s’il n’a pas reçu d’un être humain la substance de sa chair, il ne s’est fait ni homme ni Fils de l’homme. Et s’il ne s’est pas fait cela même que nous étions, peu importait qu’il peinât et souffrît ! Or nous sommes un corps tiré de la terre et une âme qui reçoit de Dieu l’esprit : tout homme quel qu’il soit en conviendra. C’est donc cela même qu’est devenu le Verbe de Dieu.

[…] s’il en eût été autrement, sa descente en Marie était elle-même superflue. Pourquoi serait-il descendu en elle, s’il ne devait rien recevoir d’elle ? Au reste, s’il n’avait rien reçu de Marie, il n’eût pas pris les aliments tirés de la terre ; il n’eût pas, après avoir jeûné quarante jours comme Moïse et Elie, ressenti la faim. Jean, son disciple n’aurait pas écrit de lui: « Jésus, fatigué du voyage, était assis « .(Jn 4,6) David non plus n’aurait pas proclamé à son sujet : « ils ont encore ajouté à la douleur de mes blessures  » (Ps 68, 27) ; il n’aurait pas pleuré sur Lazare (Jn 11, 35 ) il n’aurait pas sué des gouttes de sang (Lc 22,44) ; Il n’aurait pas dit : “Mon âme est accablée de tristesse”(Mt 26, 38) de son côté transpercé ne seraient pas sortis du sang et de l’eau (Jn 19, 34). Ce sont là en effet autant de signes caractéristiques de la chair tirée de la terre, chair que le Seigneur a récapitulée en lui-même, suivant ainsi son propre ouvrage par lui modelé.

  Questions de la semaine
Lisez l’épître aux Romain, 5, 12-19, Irénée en fait-il un bon résumé ?
Irénée dit du Verbe de Dieu qu’il a reçu une « génération » qui est la récapitulation d’Adam, ne pourrait-on pas en dire autant de tout enfant qui vient au monde ?
Pourquoi certains hérétiques aimeraient-ils que le Christ n’ait rien reçu de la Vierge Marie ?
Qu’en a-t-il reçu au juste ?
Comment Irénée conçoit-il le savoir-faire ou la sagesse de Dieu ?
Dans ces quelques lignes, Irénée dénonce deux hérésies distinctes, en savez-vous le nom ?
Pensez-vous qu’elles pourraient être soutenues aujourd’hui ?  

Texte 2 – Jésus, fils de Dieu, né de la Vierge Marie : Adversus Haereses III, 19, 1

Ceux qui prétendent que Jésus n’est qu’un pur homme engendré de Joseph demeurent dans l’esclavage de l’antique désobéissance et y meurent, n’ayant pas encore été mélangés au Verbe de Dieu le Père et n’ayant pas eu part à la liberté qui nous vient par le Fils, selon qu’il dit lui-même : « Si le Fils vous affranchit, vous serez vraiment libres. » (Jn 8, 36).  Méconnaissant en effet l’Emmanuel né de la Vierge, ils se privent de son don, qui est la vie éternelle ; n’ayant pas reçu le Verbe d’incorruptibilité, ils demeurent dans la chair mortelle ; ils sont les débiteurs de la mort pour n’avoir pas accueilli l’antidote de vie. C’est à eux que le Verbe dit, expliquant le don qu’il fait de sa grâce : “J’ai dit : Vous êtes des dieux et des fils du Très-Haut ; mais vous, comme des hommes, vous mourrez.”  Psaume 81, 6-7).

Il adresse ces paroles à ceux qui, refusant de recevoir le don de la filiation adoptive, méprisent cette naissance sans tache que fut l’incarnation du Verbe de Dieu, privent l’homme de son ascension vers Dieu et ne témoignent qu’ingratitude au Verbe de Dieu qui s’est incarné pour eux. Car telle est la raison pour laquelle le Verbe s’est fait homme et le Fils de Dieu, Fils de l’homme : c’est pour que l’homme en se mélangeant au Verbe et en recevant ainsi la filiation adoptive, devienne fils de Dieu. Nous ne pouvions en effet avoir part à l’incorruptibilité et à l’immortalité que si nous étions unis à l’incorruptibilité et à l’immortalité. Mais comment aurions-nous pu être unis à l’immortalité et à l’incorruptibilité, si l’Incorruptibilité et l’Immortalité ne s’étaient préalablement faites ce que nous sommes, afin que ce qui était corruptible fut absorbé par l’incorruptibilité et ce qui était mortel, par l’immortalité, “afin que nous recevions la filiation adoptive “ ? (Gal 4, 5) […]

Que le Christ, d’une manière qui lui est propre, à l’exclusion de tous les hommes de tous les temps, soit proclamé Dieu, Seigneur, Roi éternel, Fils unique et Verbe incarné, et cela aussi bien par les prophètes que par les apôtres et par l’Esprit lui-même, voilà ce qu’il est loisible de constater à tous ceux qui ont atteint ne fût-ce qu’une infime partie de la vérité. Ce témoignage les Ecritures ne le rendraient pas de lui s’il n’était qu’un homme comme tous les autres hommes. Mais parce que, seul entre tous, il a reçu la génération éclatante qui lui vient du Père Très-Haut et parce qu’il a accompli aussi la naissance éclatante qui lui vient de la Vierge, les Ecritures rendent de lui ce double témoignage : d’une part il est homme sans beauté, sujet à la souffrance, assis sur le petit d’une ânesse, abreuvé de vinaigre et de fiel, méprisé du peuple, descendant jusque dans la mort ; d’autre part, il est Seigneur saint, admirable Conseiller, éclatant de beauté, Dieu fort, venant sur les nuées en Juge universel.

  Questions de la semaine
Pourquoi ceux qui prétendent que Jésus n’est qu’un homme engendré de Joseph ne peuvent-ils accéder à la liberté ?
Pourquoi sont-ils des « débiteurs de la mort » ?
Comment Irénée comprend-il la « filiation adoptive » ?
Pourquoi les Ecritures rendent-elles à Jésus un double témoignage ?  

Texte 3 – Jésus, Verbe de Dieu venu dans la chair :  Adversus Haereses III, 18, 1-2…7

Il a été montré à l’évidence que le Verbe, qui était au commencement auprès de Dieu, par l’entremise de qui tout a été fait et qui était de tout temps présent au genre humain, ce même Verbe, dans les derniers temps, au moment fixé par le Père, s’est uni à son propre ouvrage par lui modelé et s’est fait homme passible. On a de la sorte repoussé l’objection de ceux qui disent : « Si le Christ est né à ce moment-là, il n’existait donc pas auparavant. » Nous avons en effet montré que le Fils de Dieu n‘a pas commencé d’exister à ce moment-là, puisqu’il existe depuis toujours avec le Père ; mais lorsqu’il s’est incarné et s’est fait homme, il a récapitulé en lui-même la longue histoire des hommes et nous a procuré le salut en raccourci, de sorte que ce que nous avions perdu en Adam, c’est-à-dire d’être à l’image et à la ressemblance de Dieu, nous le recouvrions dans le Christ Jésus.

En effet, comme il n’était pas possible que l’homme une fois vaincu et brisé par la désobéissance, fût modelé à nouveau et obtînt le prix de la victoire, et comme il était également impossible qu’eût part au salut cet homme ainsi tombé sous le pouvoir du péché, le Fils a opéré l’un et l’autre : tout en étant le Verbe de Dieu, il est descendu d’auprès du Père, il s’est incarné, il est descendu jusque dans la mort, et il a ainsi consommé l’« économie » de notre salut.[…]

Ceux donc qui disent qu’il ne s’est montré qu’en apparence, qu’il n’est pas né dans la chair, et qu’il ne s’est pas vraiment fait homme, ceux-là sont encore sous le coup de l’antique condamnation. Ils se font les avocats du péché, puisque d’après eux la mort n’a pas été vaincue. Car celle-ci « a régné d’Adam jusqu’à Moïse, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam » (Rm 5,14). Puis, quand la Loi donnée par Moïse est venue et qu’elle a rendu sur le péché ce témoignage qu’il est « pécheur », elle lui a bien retiré son empire, en le convaincant d’agir en brigand, et non en roi, et en le faisant apparaître comme homicide ; mais elle a d’autre part accablé l’homme, qui avait péché en lui, en démontrant que cet homme était digne de mort. Car la Loi toute spirituelle qu’elle était, a seulement manifesté le péché elle ne l’a pas supprimé : car ce n’est pas sur l’Esprit que dominait le péché, mais sur l’homme. Il fallait donc que Celui qui devait tuer le péché et racheter l’homme digne de mort se fît cela même qu’était celui-ci, c’est-à-dire cet homme réduit en esclavage par le péché et retenu sous le pouvoir de la mort, afin que le péché fût tué par un homme et que l’homme sortît ainsi de la mort.

  Questions de la semaine
Pourquoi Irénée affirme-t-il que le Verbe de Dieu est de tout temps présent au genre humain ?
Prendre chair, est-ce essentiellement devenir « passible » ?
Qu’est-ce que « le salut en raccourci » que Jésus nous a procuré ?
Quelles sont les conséquences du refus que les hérétiques opposent à la venue du Verbe de Dieu dans la chair ?