Entretien avec Vincent Segal, Violoncelliste

(14.05.2015, Fait par Ellen Moysan, à Paris, France)

SEGALphoto

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Je vais commencer notre entretien en vous demandant tout de suite comment vous comprenez l’expression « chant intérieur », et ce qu’elle évoque pour vous.

Ce n’est pas une expression que j’utilise vraiment. Si je devais l’utiliser, je parlerais d’un chant « intérieur » en opposition à un « extérieur » c’est-à-dire à tout ce qui se passe lorsqu’on joue et qu’il y a un public ou qu’une autre personne entend ce qu’on fait.

Oui. Ce qui se passe lorsqu’on est seul. Mais je voudrais entendre l’expression avec un sens encore plus restreint du mot « intérieur » : ce qui se passe lorsque je lis une partition, sans instrument, et que je l’entends dans ma tête.

Dans un contexte de musique classique donc. Lorsqu’on a une partition.

Oui, par exemple.

Mais il me semble qu’il faut élargir l’idée parce que le plus important ne se joue pas dans le rapport à la partition. La partition est importante bien sûr : lorsqu’on travaille il faut essayer d’être le plus rigoureux possible, de faire ce qui est écrit. Mais la musique n’est pas dans la partition. La partition n’est qu’une aide. C’est un aide-mémoire, une aide technique qui permet d’aller plus vite. En fait, même les musiciens qui les ont écrites n’en avaient pas besoin, ils avaient tout dans la tête. L’essentiel est là, dans ce jeu.

Qu’est-ce que vous entendez par « jeu » ?

Le plaisir ressenti à écouter sonner les harmoniques les unes avec les autres… pendant un temps qui peut aller d’une minute à des heures.

Comment ça marche à votre avis ?

Il me semble que ces harmoniques entrent en résonnance par un processus cérébral. Ça dégage un plaisir semblable à celui qu’on ressent en respirant une odeur, en nageant, se chauffant au soleil.

C’est quelque chose de l’ordre d’une sensation alors.  

Oui. Exactement. Une sensation qui peut être comme une drogue et qui n’est pas liée nécessairement à la musique réelle. Je peux avoir ce plaisir même sans jouer. Je n’ai pas besoin d’avoir mon violoncelle ou d’avoir des musiciens autours de moi pour l’éprouver. Je peux engranger ces résonnances moi-même sans perception extérieure. Je n’aurais peut-être pas exactement le même plaisir mais il y en aura un quand même.

Mais dans ce cas-là, comment ça fonctionne ? On imagine ? C’est une sorte d’acte ou quelque chose qu’on entend spontanément ?

Je pense qu’on a une mémoire tellement puissante de ce qu’on a entendu comme intervalles, comme fréquences, comme sonorité, que lorsqu’on imagine la sensation est presque reproduite. Elle ne l’est pas bien sûr ! Il y a une différence quand même. C’est une sorte de phantasme.

… parce que vous ne vous contentez plus de redire exactement la même chose à l’identique mais que vous reproduisez la chose telle que vous l’avez entendue, perçue. Du coup il y a un peu de vous.

Exactement. Ce qu’on entend, à l’intérieur de soi, est lié à la manière d’entendre de chacun. Il y a des fréquences dont on ne va pas se souvenir parce qu’elles ne vont pas libérer assez d’harmoniques pour nous. Et c’est la même chose avec le rythme.

Comment ça ?

Avec le rythme on va entendre quelque chose dans sa tête qui n’a pas de notes, et qui a plutôt à voir avec le déplacement, la danse. D’ailleurs je ressens une sorte d’euphorie si je me mets à associer des sons avec ces rythmes.

Donc cette musique intérieure est constituée par ce qu’on a travaillé avec les partitions, ce qu’on a entendu à l’extérieur, et ensuite la forme vient de notre manière propre d’agencer le tout. On fait donc quelque chose qui nous est propre à partir d’un matériel qui ne nous est pas propre.

… c’est pour cela que ça nous est vraiment personnel. J’ajouterais que cette musique est aussi liée à notre mémoire culturelle.

Comment cela ?

On mémorise des modes qu’on a entendus, qui sont propres à notre culture. Pour quelqu’un d’autre qui n’appartiendrait pas à la même culture, ils pourraient sembler être toujours la même chose. C’est comme lorsque moi, qui ne parle pas chinois, je vois des caractères chinois. J’ai l’impression que c’est toujours le même dessin, je ne peux pas identifier ce que j’ai devant moi, je ne peux pas jouer avec. Un chinois, lui, qui appartient à ce monde, pourra percevoir les différences.

Oui, je comprends ce que vous voulez dire.

Donc suivant la mémoire culturelle qu’on a d’une chose, on peut se référer à un mode qu’on a pratiqué et on l’entend. Si on ne l’a pas pratiqué on a besoin d’une initiation pour comprendre comment il fonctionne.

Le chant intérieur est donc aussi culturel.

Notre mémoire est culturelle déjà. Il y a beaucoup d’imaginaire autour des fréquences et des hauteurs. On n’a pas le même rapport avec une musique qui est jouée à Bali, en Inde ou en Europe. A cette mémoire s’ajoute une mémoire biologique qui est liée au physique de chaque personne.

C’est-à-dire ?

Et bien de même que l’on voit avec sa physiologie, on entend aussi selon nos oreilles qui sont plus ou moins précises.

Vous pensez que les oreilles sont comme les yeux dans le sens où l’on peut être myope ou hypermétrope ?

Oui bien sûr !

Alors on pourrait être plus ou moins sourd.

Ah mais on l’est de toute façon. On a tous des moments où l’on entend avec des altérations, des moments de fatigue, des difficultés liés au temps qui passe et qui fait que plus on avance en âge plus on a besoin d’être attentif pour jouer et entendre aussi précisément qu’à 8 ans par exemple.

Vous devez faire plus d’effort maintenant que lorsque vous étiez petit ?

Oui c’est sûr. Quand j’avais huit ans j’étais plus rapide, je pouvais entendre des conversations de très loin, j’avais des aigus beaucoup plus brillants. Maintenant, si je veux entendre un instrument qui joue plus loin j’ai besoin de jouer un peu moins fort moi-même pour l’écouter.

Et ça a une influence sur votre travail du violoncelle ?

Oui. Parce que je suis obligé de faire attention à plus de choses. Je dois être plus discipliné dans mon travail, jouer plus sur la mémoire de mes gestes. Avant, en revanche, j’avais des gestes moins sûrs parce que mon oreille rectifiait tout à toute vitesse.

Donc ce n’est pas si mauvais car ça vous force à faire un travail plus rigoureux.

C’est vrai qu’on joue différemment lorsqu’on est plus âgé. Le corps physique (cerveau, muscles etc.) joue sur la façon dont on écoute et reproduit le son.

L’écoute est importante mais ce qui importe, c’est aussi la capacité à aller vite, la puissance du doigt, sa pression… Cela dit si on suit ce que vous dites, alors l’oreille absolue n’existe pas ? Cela correspondrait à un « regard absolu » pour la vision… ça semble totalement absurde si on y pense comme ça !

On peut reconnaître des hauteurs… mais celles-ci ne sont pas absolues, ce sont des tempéraments différents. Les harmoniques sont très difficiles à chanter les unes après les autres précisément. En fait ce qu’on appelle « oreille absolue » relève de la mémoire culturelle dont je parlais tout à l’heure.

C’est-à-dire ?

On peut entendre le nom des notes telles qu’on les a apprises ici, dans notre culture occidentale. On a une mémoire qui associe un son avec un nom. Ça, ça existe.

C’est utile ?

Dans un sens oui. Par exemple, quand j’entends un morceau j’entends tout de suite les notes et du coup je suis capable de les reproduire beaucoup plus vite. Quelqu’un qui n’a pas cette faculté va mettre beaucoup plus de temps à apprendre un morceau.

C’est pratique pour faire du relevé[1]. Vous l’avez beaucoup pratiqué ?

Oui. J’adore faire ça, ça me permet de comprendre ce que chacun fait.

Vous le faites à l’instrument ou avec une partition ?

Les deux. Je peux refaire à l’instrument mais j’aime bien noter aussi.

C’est donc un avantage d’avoir cette « oreille absolue ».

Oui… mais il y a aussi des désavantages : ce qu’il est important d’entendre, ce n’est pas la hauteur elle-même, mais le trajet d’une hauteur à l’autre, le déplacement, les lignes. Pour l’exploration du son ça peut être plus intéressant de ne pas trop savoir à quoi correspond une hauteur.

Pourquoi ?

Ça permet de sentir le tracé de la ligne de manière plus vive, plus originale, en utilisant d’autres réflexes que les notes. Et puis on transpose mieux si on n’a pas l’oreille absolue.

De toute façon, ce rapport aux hauteurs par le nom des notes est assez européen j’imagine. Lorsqu’on voyage, qu’on écoute d’autres traditions, on constate que c’est le rapport direct au son, qu’importe comment il se matérialise, avec le nom des notes ou non, qui compte le plus.

C’est tout à fait vrai. D’ailleurs le rapport au son peut changer, se transformer, s’enrichir en fréquentant d’autres cultures.

Vos voyages vous ont beaucoup fait évoluer ?

Oui bien sûr. Tout ce que j’ai entendu par les rencontres avec des gens, les voyages que j’ai faits, les sons de la vie ont transformé ma manière de pratiquer la musique et de la vivre.

Comment ça exactement ?

Par l’imprégnation. Et puis lorsque je vois jouer quelqu’un j’essaye de comprendre ses concepts de jeu, de création, pour ensuite tenter de les reproduire moi-même.

Je ne comprends pas trop ce que vous voulez dire par « concept de création » ?

Ce sont des échelles, des harmoniques c’est-à-dire des tempéraments différents, des modes différents selon les cultures. La manière de jouer d’un instrument varie beaucoup d’un pays à l’autre.

Physiquement ?

Oui. Mais aussi mentalement. La manière de vivre la musique n’est pas la même partout. Pour cette raison, c’est très important d’écouter ce qui vient d’ailleurs.

Mais ça, c’est une possibilité que nous avons vraiment nous, grâce à la mondialisation, au monde qui est devenu un « village mondial », non ?

Ça s’est accentué certainement, mais je crois que les musiciens ont toujours été des gens très ouverts sur le monde. Que ce soient les musiciens comme Bach qui utilisaient des danses importées, des jazzmans américains qui sont venus à Paris, des musiciens comme le père de Ballaké[2] qui a voyagé à travers tout le Mali, tous se sont ouverts à d’autres choses.

En quoi est-ce si important ?

Je crois qu’on apprend deux choses importantes : on voit comment le public réagit à la même chose dans d’autres endroits, et on s’imprègne d’un autre public et d’autres musiciens. En tant que musicien on a besoin de cela, on cherche toujours des choses différentes de ce qu’on connaît déjà.

Oui, mais ce n’est pas parce qu’on bouge qu’on s’enrichit de cette manière. Il y a plusieurs manières de voyager, de fréquenter les différentes cultures, ce n’est pas donné de savoir s’imprégner de ce que l’on rencontre.

Comment imaginez-vous qu’on puisse voyager sans s’imprégner ?

En ne cherchant pas à rencontrer des locaux par exemple, en restant entre français à l’étranger, ou en ne fréquentant que des locaux déjà intéressés par notre culture et notre manière de faire. On peut très bien demeurer tout à fait soi-même sans rentrer en empathie avec l’autre culture et de ce fait, jouer des choses non européennes de manière européenne.

Oui d’accord. Mais ce que je trouve intéressant au contraire, c’est de faire l’expérience qu’il y a des manières différentes de réagir que la nôtre. Ça nous offre la possibilité de relativiser notre propre vision des choses. Par exemple, le fait de jouer avec Ballaké me montre qu’il y a des façons extrêmement différentes d’envisager la musique, qui ne sont pas influencées par la philosophie, les mathématiques etc.

Comment cela ? Pour le rythme par exemple ?

Oui, par exemple. On pense que la musique est jouée dans un style mathématique mais la manière dont il joue, lui, me montre que non. Il est beaucoup plus souple parce qu’il ne pense pas en termes de pulsation marquée par les mathématiques.

Donc il ne compte pas ?

Jamais. C’est comme les costumes maliens vous savez, il n’y a pas de coupe comme dans les costumes européens. Il n’y a pas de ligne droite.

C’est amusant comme comparaison.

Au Mali il y a une très bonne pulsation, on ressent très bien la pulsation des uns et des autres pour vivre ensemble… mais il n’y a pas un rythme comme ici. On ne fait pas de départ trois/quatre par exemple.

Alors comment se passe le départ ?

On joue sans rien dire. L’un des deux part et puis, comme on se connaît bien, on se suit.

Et ça fonctionne bien ?

Oui, car le fait de jouer ensemble depuis des années fait qu’on a construit notre propre manière de jouer. Cela dit, notre manière de faire est certainement bien différente de celle dont Ballaké joue avec ses amis maliens.

C’est-à-dire ?

Elle n’est pas codée de la même manière je crois.

Finalement c’est la rencontre profonde d’une personne qui fait qu’on peut jouer ensemble de manière harmonieuse.

Voilà. Ce n’est pas juste un blanc et un noir qui font de la musique. C’est beaucoup plus profond que cela.

Jouer ensemble permet quelque chose qui n’existe pas avec le langage certainement. Comme on n’a pas besoin des mots il y a une sorte d’accès direct à l’autre.

Oui. On peut être très loin, l’un de l’Afrique et l’autre d’Europe, et parvenir à se réunir vraiment pour créer une musique ensemble.

Vous aimez bien les projets « fusion » du coup ?

Je n’aime pas les projets fusion où l’on veut mélanger tel style de musique avec tel autre comme un exercice de style. J’aime les projets où l’on choisit de réunir deux personnes. Bien sûr, elles ont à voir avec un style dans le sens où un musicien peut être lié à un pays et l’autre à un autre univers musical,  mais le but est d’abord la rencontre de deux personnes.

Je comprends. C’est comme cela que la musique peut permettre une union profonde entre deux personnes qui viennent d’univers radicalement différents, et qui parfois ne parviennent pas à communiquer l’une avec l’autre.

Comme Cortot et Thibaud qui ont joué de la très belle musique ensemble par exemple.

Je crois qu’il est important d’essayer d’aller au-delà des divergences pour produire ensemble. On a besoin d’avoir de dialogues véritables avec les personnes qui ne partagent pas nos opinions.

Oui bien sûr. C’est fondamental. C’est pour cela que j’aime beaucoup le projet de Barenboïm par exemple.

C’est très beau ce qu’il fait. Et puis en donnant à ces musiciens l’occasion de jouer ensemble, il leur permet aussi de voyager dans des endroits où ils ne pourraient pas aller autrement à cause des problèmes de visa. Ces musiciens rencontrent ainsi autre chose. Des choses qui leur seraient interdites dans un autre contexte.

C’est vrai.

C’est vraiment ce que j’aime avec la musique. Rien qu’en une heure elle peut permettre de partager beaucoup, même si on est en fait très différent.

Je crois que ce n’est pas seulement parce qu’elle n’est pas verbale, mais aussi parce que, dans la musique, on donne vraiment tout ce qu’on a en soi. On partage le plus essentiel…

…si on a une capacité à retransmettre des choses très intimes et personnelles par les sons. Si l’autre personne partage cette manière de faire, alors on peut faire ressortir des choses qu’une tierce personne, un public ou un ami, va ressentir.

Oui.

C’est très intéressant de voir que des musiciens qui ne se connaissent pas peuvent arriver tout de même à jouer ensemble.

En pratique, qu’est-ce qui rend cela possible à votre avis ?

Je pense qu’il faut une grande attention au son, aux fréquences et au rythme, une pulsation commune.

Je crois que cette union se transmet tout de suite au public. Ça aussi, je trouve ça très intéressant : comment peut-on transmettre ainsi quelque chose à travers sa musique. Ce n’est pas la technique qui permet cela. Même si la technique peut apporter quelque chose de plus.

Oui c’est tout à fait juste… Jouer quelque chose d’élaboré et compliqué n’est pas ce qu’on vise nécessairement. D’ailleurs nous sommes des artisans : je crois qu’il faut d’abord savoir faire du pain, quelque chose de simple, avant de faire de la cuisine élaborée, des choses plus compliquées.

Qu’est-ce que vous appelez « quelque chose de simple » ?

Quelque chose qu’on peut entendre. Je crois qu’il faut pouvoir tout entendre clairement dans sa tête avant de le restituer à une autre personne.

Mais je ne comprends pas comment on pourrait faire un travail à la table sans entendre vraiment de toute façon. Est-ce que ça veut dire qu’on créé des enchaînements uniquement selon des règles ?

On pourrait penser qu’on entend les choses séparément et qu’une fois que c’est assemblé en une masse, ce n’est de toute façon plus possible d’entendre l’ensemble… mais ça me semble étrange. Ça ne marche pas. Ce n’est pas honnête.

Pourquoi ? Il y a une tromperie quelque part ?

Boulez disait que le principe de la création d’une œuvre était un développement par rapport à un matériel donné pour créer une architecture sonore. Il y a tromperie si, quand je joue, le compositeur n’arrive pas à entendre que ce que je joue n’est pas exactement ce qu’il a écrit. Je préfère quelqu’un qui sursaute et qui va me dire que ce n’est pas ce qu’il veut.

Et quand on entend tout, on entend quoi ? L’harmonie ? Le rythme ? La couleur sensible ?

Oui c’est cela : le timbre c’est-à-dire la manière dont les harmonies sont restituées, les pulsations c’est-à-dire la manière dont on place ces sons dans le déroulement d’une durée. Je ne vois pas autre chose que cela si ce n’est qu’il peut y avoir effectivement une couleur qui a des caractéristiques culturelles et sociales fortes c’est-à-dire une musique qui signifie quelque chose dans la mémoire collective des gens.

Comment cela ?

Ce sont des rappels qui sont liés aux hauteurs et aux sons mais aussi à la mémoire de ce qui a été fait avant. Il y a des marqueurs culturels très forts dans la musique. Quand on joue en concert les gens ont une attente, ils veulent un certain style de musique. Lorsqu’on joue on doit répondre à cela.

Oui.

C’est très ancien, c’est le principe de la musique de commande. Cela ne fonctionne que si on partage les mêmes codes sociaux. C’est pour cela qu’une musique triste pour quelqu’un peut être gaie pour une autre. Il y a des couleurs musicales qui marquent une certaine tension/détente, mais ce n’est pas toujours le cas : certaines musiques indiennes que j’aime ont une couleur triste pour moi alors qu’elles ont une couleur lumineuse pour quelqu’un de là-bas.

Ah bon ? Mais l’effet que fait une musique lorsqu’on l’écoute me semblait assez universel au contraire ! J’écoute beaucoup de musique dont je ne comprends pas les paroles, et lorsque je vais les lire je suis souvent surprise de constater que j’étais exactement dans l’ « état » (mood) décrit par la musique. Dans la musique cubaine, cap-verdienne, sud-américaine, iranienne par exemple.

Oui… mais vous citez des civilisations dont nous sommes proches en fait. De fait nos modes occidentaux viennent de l’Iran et se sont transmis ensuite ailleurs. Ce n’est pas la même chose avec les civilisations extrême-orientales ou même avec de la musique Pygmée par exemple.

Avec des civilisations très lointaines on a un vrai décalage culturel finalement.

Oui. Une musique peut nous transporter dans un autre univers, ou nous retransporter dans le nôtre. Quand je suis tout seul j’aime bien écouter de la musique africaine pour me rappeler Bamako par exemple. Ou aux USA j’aimais bien regarder « Un américain à paris » pour entendre l’accent parisien. Ça avait un apport émotionnel fort même si c’était une toute petite chose.

Ça m’est arrivé aussi, notamment lorsque j’étais au Japon. J’aimais bien jouer du Saint Saëns par exemple. La musique a une capacité très forte de nous rejoindre dans un état dans lequel on est je trouve.

Oui. Pour moi c’est vraiment une drogue. Même si j’aime aussi les endroits calmes et silencieux.

C’est vrai que les deux sont importants.

Le fait d’être très sensible au son fait qu’on est aussi très sensible au silence je trouve.

C’est juste. Et cette « sensibilité au son », vous croyez qu’elle vient comment ?

Comme une langue j’imagine. On s’imprègne du son comme on s’imprègne de sa langue maternelle. Depuis qu’on est tout petit. Et plus on le fait jeune plus l’imprégnation est forte, et spontanée, et facile. Plus on se sent chez soi dans des choses qui nous sont originairement étrangères. On les ressent vraiment.

Comme si on était bilingue, trilingue, avec des styles de musiques différents. Du coup ça veut dire que découvrir des choses nouvelles adultes c’est comme apprendre des langues étrangères adultes : on peut apprendre très bien mais on n’aura pas la même sensation de « chez soi ».

Oui. Ce n’est pas pareil de découvrir le jazz adulte ou d’en être familier depuis tout petit.

Et puis on peut aussi apprendre une langue sans jamais mettre les pieds dans le pays.

Ça c’est ce qu’on fait avec les disques. Mais ce n’est pas pareil bien sûr : écouter du Gospel chez soi ou grandir dans une église américaine où on chante ça tous les dimanches n’a rien à voir.

Oui.

Le disque est une illusion. C’est une prise de son, il y a un éloignement de matière qui n’est pas le même que lorsqu’on écoute des voix humaines à côté de nous et qui émergent de vrais corps. D’ailleurs il y a quelque chose de la musique du 20ème siècle qui est lié à la reproduction. Un siècle de reproduction sonore fait que notre manière d’envisager la musique a complètement changée.

Comment cela ?

On n’a plus le même rapport à ce qui nous est étranger. Debussy a dû aller à l’expo universelle pour entendre les gamelans et nous, nous allons sur Youtube. Il y a deux générations on avait un disque qu’on usait jusqu’à la corde avant d’en acheter un deuxième, maintenant on peut écouter toute la musique qu’on veut.

Oui. Et on peut imiter tout ce qu’on veut aussi. Passer des heures à écouter un morceau en essayant de refaire la même chose. C’est comme ça qu’on peut apprendre à improviser n’est-ce pas ?

C’est vrai. Même si ça, ce n’est stylistiquement que de la reproduction. L’improvisation ajoute à cela la possibilité d’aller dans telle ou telle direction. Il y a une liberté supplémentaire.

Finalement on emmagasine du vocabulaire qu’on réutilise à sa manière après.

Oui. C’est exactement comme ce que nous sommes en train de faire en discutant ici. Je ne connais pas d’improvisateur qui ait un langage totalement neuf. On utilise un langage que l’on maîtrise déjà.

Ce qui est improvisé, c’est donc le lien entre les éléments.

Voilà. Le lien se fait aussi en fonction d’une histoire du « comment développer ».

Comment cela ?

Toutes les cultures ont leur propre manière de raconter une histoire : on essaye de garder des intervalles, une certaine cadence rythmique, d’orner, de ralentir, d’augmenter, de choisir une gamme, des échelles, une durée. C’est pour cela qu’on risque fort de se répéter et que c’est très difficile d’improviser plus de trois minutes.

Mais pourtant, des jazzmen comme Keith Jarrett, ou même n’importe qui en session de jazz improvise pendant trois quart d’heure !

C’est vrai. Mais si on écoute bien on voit qu’il y a différents thèmes qui se suivent et s’agencent les uns à la suite des autres. Et puis on improvise à plusieurs. Improviser, seul, plus de trois minutes, sans se répéter, c’est difficile. Même dans les raggas indiens le développement est figé et ce n’est pas de l’improvisation libre.

Ah bon ?

Oui, les musiciens sont imprégnés, ils ont appris avec tel maître à développer de telle façon. Ils répètent des choses qui sont dans leur langage et qu’ils connaissent déjà.

C’est assez logique à dire vrai. C’est comme ça aussi dans notre musique folklorique. On sait des choses par cœur et on nourrit cela avec du nouveau. Est-ce que vous travaillez beaucoup par cœur aussi ?

Oui. J’apprends beaucoup de choses par cœur. Mais j’aime aussi beaucoup lire la musique, l’invention et l’évolution de l’écriture m’intéresse beaucoup (les doigtés, la technique d’écriture artisanale spécifiques au violoncelle par exemple). En plus de cela j’ai aussi ma manière à moi d’écrire, des petits carnets sur lesquels je note ce qui me plaît.

En fait, il s’agit toujours de se réapproprier quelque chose d’extérieur, de le faire sien pour pouvoir ensuite s’en servir. C’est là qu’intervient la question de la technique je crois. Pour pouvoir faire cela il faut avoir une technique suffisante pour ne pas être bloqué par des difficultés de réalisation. Si on est bloqué, tendu, le rapport à l’instrument est tel qu’on ne peut pas avancer comme on veut.

En ce qui concerne la technique, je trouve ça intéressant de comparer notre apprentissage instrumental avec celui qu’on fait en Afrique. Là-bas il n’y a pas de cours, d’école. Chaque personne se débrouille, en imitant principalement, son père, son frère, son oncle par exemple, et une fois qu’elle arrive à jouer, là, on s’occupe d’elle. Le rapport à l’instrument est donc beaucoup plus ludique.

Je comprends.

On va donc deviner que quelqu’un a appris à tel endroit parce qu’il joue de telle ou telle manière.

C’est très différent d’ici c’est vrai.

Oui parce qu’ici on va emmener un enfant dans un conservatoire, l’inscrire avec tel ou tel professeur, et c’est celui-ci qui va déterminer sa manière de jouer. C’est vraiment autre chose. Notamment parce que l’enfant africain va être mû par un désir de jouer, c’est ce désir qui va le faire évoluer pendant les premières années de sa pratique instrumentale, alors qu’en Europe ça part parfois du désir des parents, et quand ça part du désir de l’enfant, celui-ci va se retrouver avec un prof qui va jouer avec son désir : l’amplifier ou l’amoindrir voire même le tuer.

Le rôle des professeurs est extrêmement important. C’est à eux de savoir développer ce que l’enfant présente comme désir de s’exprimer avec son instrument, amour de la musique. Ils ont le rôle de donner des outils, d’aider en apprenant les positions justes.

C’est vrai. Mais je modèrerais un peu en disant que je ne pense pas qu’il faille être si strict avec la manière de tenir son instrument. Il  y aura toujours des gens qui se tiendront n’importe comment et réussiront tout de même à jouer magnifiquement. C’est comme dans tous les artisanats, il y a des personnes qui ont tellement d’amour, tellement de passion investie dans ce qu’ils font, un sens du son, que ça n’a pas d’importance de se tenir bien, c’est-à-dire dans la norme.

Oui.
Rien n’est indiqué sur l’instrument pour expliquer comment il faut faire. Il n’y a pas de mode d’emploi. La manière de l’utiliser a beaucoup évoluée. La pratique de l’instrument c’est à la fois inventer et réutiliser des façons de jouer qui ont fait leurs preuves.

C’est cela.

Il y a une manière d’apprendre à la Heifetz où l’on va travailler un exercice en vue de savoir faire telle ou telle chose réutilisable dans toutes les autres œuvres, et une manière d’apprendre en travaillant œuvre par œuvre.

Et elles sont aussi efficace l’une que l’autre ?

Non bien sûr. Celle de Heifetz marche mieux… mais il faut avoir un caractère discipliné comme lui !

Et ensuite, pour que l’exercice soit vraiment utile il faut être attentif à la manière dont on le fait. Par exemple, utiliser bien toutes les possibilités de trouver la note : regarder où elle est physiquement sur le manche, l’entendre avec ses oreilles, la sentir par le geste d’attaque etc.

Oui. Et on apprend aussi sans s’exercer, en jouant juste, en éprouvant le plaisir d’être seul avec son instrument en faisant du son. Le temps passé comme cela en solitaire est très important. J’ai trouvé beaucoup de choses de cette manière.

C’est un peu comme avec des personnes finalement. Ce qui importe n’est pas nécessairement de discuter, de partager, mais aussi juste d’être ensemble.

Je suis d’accord, oui. On parle parfois d’un compagnonnage avec l’instrument, dans un sens un peu romantique. Je trouve qu’il y a quelque chose d’exagéré mais tout de même un petit fond de vrai. Cette relation à la musique est plus importante que les concerts.

Comment cela ?

J’aime bien jouer devant des gens mais je crois que le fait de faire de la musique seul, ou avec d’autres gens, sans forcément qu’il y ait de public, est ce que je préfère.

Pourtant, le fait de jouer devant une salle provoque quelque chose n’est-ce pas ?

Pas forcément. Depuis peu de temps je me suis rendu compte que lorsque je jouais avec Ballaké devant une salle, c’était comme si on jouait chez lui au Mali. On conserve notre lieu. On joue ensemble. Je joue pour avoir des sensations avec une autre personne, pas pour un public.

Vous écoutez plus l’autre personne que vous-même.

Je pense oui. Je suis absorbé par l’autre, ce qu’il joue. Si l’on joue à plus que cela, à quatre, à dix, on ressent des choses ensemble et c’est cela qui compte. On ne joue pas pour le public. Lorsque Cesaria[3] chante, même devant des salles entières, je ne crois pas qu’elle chante pour tous ces gens. Elle est dans sa musique.

(Solo de violoncelle de V. Segal)

On dirait même qu’elle chante toujours sur le pas de sa porte, là-bas au Cap Vert.  Quand je l’entends, j’ai l’impression de voir la terre rouge du sol, les maisons, les couleurs, les gens, de sentir les odeurs, de voir la mer.

C’est ça. On a l’impression qu’elle est en elle. Dans sa vie à elle. Dans ses souffrances à elle. C’est cela qui me touche dans la musique. Quand je mets des disques que j’aime, je crois que j’entends l’intériorité de la personne. Même chez les enfants c’est comme cela : parfois j’entends des enfants et je sens leur caractère, ce qu’ils ont au fond d’eux, tandis qu’avec d’autres il ne se passe rien, ils ne sont pas bien, ils ont envie d’arrêter.

C’est vraiment ce que je trouve intéressant lorsque j’écoute des musiques de pays où je ne suis jamais allée. J’ai l’impression de partir dans le monde de la personne, de voir les paysages, de sentir le climat. Si j’écoute des chanteurs mongols, je suis vraiment dans les steppes.

C’est juste. C’est pour cela que mon local est si important pour moi. L’environnement fait énormément sur la manière dont on joue : les renvois, les couleurs sont liés à l’endroit où on est. C’est pour cela qu’avec Ballaké on enregistre au Mali. C’est là où il se sent le mieux.

(collaboration kora/violoncelle de V.Segal et B. Sissoko)

Mais vous êtes chez lui alors !

Oui. Mais ça n’a pas d’importance. J’aime bien m’adapter à d’autres lieux. Lui a plus besoin de se sentir dans sa maison lorsqu’il joue.

L’environnement extérieur importe donc beaucoup. Mais également l’environnement intérieur, ce qu’on s’est construit en soi, n’est-ce pas ? Je suis persuadée que c’est le fait d’avoir su constituer quelque chose en soi, le fait qu’on ne se retrouve pas dans un vide intersidéral lorsqu’on est seul, qui permet de donner ensuite quelque chose par l’instrument.

Ce que vous me dites me fait penser à un livre d’Alberto Manguel qui s’appelle Histoire de la lecture[4], où l’auteur dit qu’à l’époque des grecs on lisait tout fort et que le premier à lire intérieurement a été Augustin. Les gens qui le voyaient passer autours le trouvaient étrange parce qu’il passait avec un livre mais il était silencieux. Les enfants apprennent d’ailleurs à lire à voix haute avant de lire dans leur tête. Ce qu’on entend par intériorité je crois que c’est ça : cette sensation d’être en soi lorsqu’on lit, lorsqu’on joue.

Oui.

Lorsque je joue, je n’écoute pas en premier lieu mon violoncelle. J’écoute ça, cette sensation en moi. C’est ça qui me permet de jouer des heures sans jamais me lasser. C’est ça qui est comme une drogue. Et ça peut être dangereux d’ailleurs, d’être autant concentré à l’intérieur de soi : on peut jouer faux parce qu’on ne se rend pas compte de la réalité du son hors de nous.

C’est ce qui se passait quand j’étais plus petite et c’est cela qui m’a amenée à faire une recherche sur le Chant Intérieur. Je ne comprenais pas qu’il y ait une différence entre ce que j’entendais et ce que je jouais réellement. Je ne comprenais pas comment je pouvais entendre juste, chanter très juste, et jouer faux.

Il faut se méfier de cette différence entre notre propre sensation intérieure, et ce qui sort de notre instrument.

La voix est une bonne médiation dans ces cas-là.

C’est vrai que la voix est très importante. Pour les indiens le fait d’être un bon chanteur est même primordial pour être un bon musicien : si on ne chante pas bien la musique n’est pas faite pour nous.

C’est peut-être ce qu’il y a de plus spontané.

Je ne sais pas. En tout cas il procure un plaisir qui est capable de changer notre manière de vivre quelque chose. Le chant qui accompagne le travail, le chant à fonction sociale est intéressant à étudier en raison de cela.

Oui.

La voix est vraiment un instrument extraordinaire. Si on écoute du rap a capella par exemple, on se rend tout de suite compte de la qualité de l’interprète : la précision, l’attaque, le détaché, le swing… Certains rappeurs sont vraiment des génies. Certains titres d’Oxmo[5] comme L’enfant seul ou 365 jours sont géniaux pour ça.

Est-ce que ce genre de musique est à considérer de la même façon que la musique classique pour vous ?

Pragmatiquement, on peut dire que certaines musiques demandent plus d’heures de travail que d’autre. Cela ne veut pas dire qu’il y ait une échelle de valeur dans le plaisir qu’elles procurent aux gens.

La complexité de la musique et le plaisir qu’elle peut procurer sont deux choses différentes finalement.

Oui. Cela dit, je suis d’accord avec Gainsbourg lorsqu’il dit que la chanson est un « art mineur ». Guy Béart s’est offusqué en disant : « non ! il y a de la grande chanson », mais je ne serais pas d’accord avec lui. Il y a des hiérarchies, certaines musiques demandent des heures de travail, d’autres moins. Mais le plaisir donné par la musique par la chanson ou la musique classique n’est pas hiérarchisable.

Je comprends.

Lorsqu’on va répéter une même séquence comme dans le rap américain, en faisant en sorte qu’elle ne soit jamais la même, il y a une sorte de plaisir. C’est un peu l’effet que fait le travail de Mondrian[6].

Et lorsqu’on arrive à produire quelque chose de spécial, ça plaît, et ça se répand.

Oui. La musique devient universelle. Elle peut perdre en force du coup. Parce que tout le monde la joue, elle perd de sa force. Le rap américain né dans le contexte politique de là-bas perd de sa force si on fait le même partout.

Oui bien sûr.

C’est comme Bach. Je suis sûr que s’il nous entendait jouer maintenant il serait effaré ! A son époque, sa musique avait sûrement une force particulière qu’on ne retrouvera jamais. C’est pour cela que l’idée de « jouer comme à l’époque de Bach » me fait un peu rire. On ne saura jamais en fait.

C’est possible oui. C’est tout le problème de la contextualisation de l’interprétation. Avec les époques on a changé notre manière de jouer, on a changé nos instruments même, et on a ouvert de nouvelles possibilités. C’est peut-être à chacun de se faire une idée de ce qu’il veut conserver, et de ce qu’il veut saisir de nouveau pour l’intégrer à son jeu. Je sais que vous jouez non seulement sur un violoncelle classique, mais aussi sur un violoncelle électrique, notamment avec Bumcello, est-ce que le deuxième permet le même travail du son ?

Oui bien sûr ! Différemment. On travaille avec les effets surtout. Le violoncelle électrique est comme une guitare électrique : quand vous écoutez Chuck Berry et les Rolling Stones, le son est totalement différent d’un son classique.

(Collaboration de V. Segal avec Cyril Atef)

Oui.

Le son d’un violoncelle électrique n’a pas autant de personnalité qu’un son classique mais on peut lui en donner avec les haut-parleurs. L’électricité, l’électronique va donner la texture. Pas la caisse de résonance.

Je comprends.

Le but du son n’était pas le même. Il y avait une concurrence à la puissance. Il fallait pouvoir entendre l’instrument alors qu’il était entouré par d’autres instruments plus puissants. On a donc construit des violes, puis des violoncelles acoustiques, puis des violoncelles amplifiés.

Oui. Il fallait pouvoir rejoindre un public dans des salles de plus en plus grands aussi j’imagine. 

Aussi.

Et le toucher est pareil d’un violoncelle à l’autre ?

Non bien entendu. C’est un autre langage.

Finalement, peu importe le canal par lequel on passe pour s’exprimer, pour dire ce qu’on a au fond de soi. Le plus important c’est ce qu’on a en nous, n’est-ce pas ?

Le plaisir le plus fort, je crois qu’il vient de la musique intérieure effectivement. Si j’attends un train, un avion, n’importe quoi, et que je me fredonne quelque chose en moi, j’éprouve déjà cette sensation spéciale. Elle me fait déjà passer le temps différemment. J’ai d’ailleurs appris des morceaux comme ça.

Comment cela ?

En commençant à me rappeler du début d’une musique et en essayant de la dérouler jusqu’au bout. Une fois qu’on est absorbé comme ça on peut rester des heures en soi.

Oui c’est vrai. Une fois qu’on fait l’expérience qu’il peut y avoir quelque chose en nous, qu’on est bien en nous, je trouve qu’on peut passer des heures, juste à goûter cette sensation ; le plaisir s’accroît,  on ne peut plus s’en passer. Je vais m’arrêter sur ce petit résumé de tout ce que nous avons dit. Merci beaucoup pour cette conversation passionnante !

[1] Transcription d’un son sur papier sous forme de dictée musicale ou reproduction immédiate à l’instrument.

[2] Ballaké Sissoko, musicien malien pratiquant la Kora, une sorte de harpe.

[3] Cesaria Evora (Mindelo, 1941-2011) chanteuse cap-verdienne .

[4] http://www.babelio.com/livres/Manguel-Une-histoire-de-la-lecture/2568

[5] Oxmo Puccino (1974, Segou, Mali-) rappeur français.

[6] Piet Mondrian (Amsterdam 1872- New-York 1944), peintre abstrait.