Entretien avec Sylvia Kummer, Chanteuse
(fait le 16 juillet 2016, par Ellen Moysan, à Sonntagberg, Autriche)

http://kons.dsp.at/extern/lehrer/details.php?link=27092005102827
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Sylvia, je suis particulièrement émue de faire cet entretien avec toi après la retraite spirituelle que nous venons de vivre (enfin que toi, tu viens de vivre, puisque moi j’étais juste à la cuisine pour cette fois) dans les montagnes autrichiennes de Sonntagberg. Réunies par la musique, nous le sommes aussi par une foi commune. C’est donc aussi bien à toi comme musicienne qu’à toi comme croyante que je m’adresse cet après-midi. Comme tu parles français nous utiliserons cette langue mais nous pouvons passer à l’allemand lorsque tu as besoin. Je vais commencer notre conversation comme je commence toujours : en te demandant ce que signifie pour toi l’expression « chant intérieur ». Est-ce que cela te parle ?
Oui, cela me parle beaucoup. Je suis chanteuse, je joue aussi de la guitare, du piano, de l’orgue, mais mon instrument c’est avant tout ma voix. Avec le chant il est vraiment nécessaire d’entendre le son en soi avant de commencer à chanter.
Pourquoi ?
Si je vois une mélodie écrite, je sais tout de suite comment cela doit être [wie sie klingen soll]. Pour cette raison on a véritablement un chant intérieur. Si j’entends quelqu’un chanter, ma gorge vibre.
Ah bon ?
Oui, c’est scientifique. Si quelqu’un chante techniquement mal, cela peut arriver que je devienne enrouée.
Alors c’est comme mon violoncelle qui se met à vibrer tout seul lorsqu’un autre violoncelle joue à côté ? Ta gorge vibre lorsqu’un autre chante près de toi ?
Oui.
Le corps résonne donc comme un instrument.
Oui.
Et c’est universel ou c’est parce que tu as formé ta voix ?
C’est universel. Je suis persuadée que, lorsqu’on a appris la musique, on ne peut entendre quelqu’un chanter sans que notre gorge se mette à vibrer sympathiquement. Et plus on est musicien, plus on résonne avec l’autre musique. Qu’on le veuille ou non.
Donc c’est ainsi que tu entends si c’est juste ou faux ?
Dans la mesure où je suis professeure de chant, j’entends tout de suite si l’intonation est bonne et la technique correcte. J’ai une écoute technique du chant.
Et tu as l’oreille absolue ?
Non. Mais j’ai une très bonne oreille [musikalisches Gehör].
Je ne l’ai pas non plus mais j’ai remarqué que, depuis que j’ai appris à relier la note jouée sur l’instrument avec la note écrite, j’arrive beaucoup plus facilement à relever des solos à l’instrument. J’imagine que l’oreille absolue s’acquiert aussi.
Je pense aussi qu’on peut apprendre par l’expérience si on a une bonne oreille.
Donc lorsque tu entends de la musique tu te mets spontanément à chanter en toi ?
Oui. Dans ma tête et aussi dans mon cœur. Même si j’entends par mes oreilles, la musique, la mélodie s’exprime par mon cœur. Il y a une mélodie que j’aime beaucoup et que nous avons chantée cette semaine pendant la retraite : « Jesus, ich vertraue auf dich », elle me vient très souvent. Par le cœur. Elle est une sorte de prière intérieure [inneres Gebet].
(avec les paroles de cet hymne on se joignait spirituellement aux Journées Mondiales de la Jeunesse et on participait à l’année de la Miséricorde
Une prière intérieure qui vient de toi ou qui vient à toi ?
Je crois qu’elle vient de moi. Pour louer Dieu. Pour rendre grâce à Dieu.
Ce n’est pas Dieu qui vient vers toi c’est toi qui va vers Dieu, et comme tu es musicienne tu t’adresses à Dieu par le chant ?
Oui.
Tu sais, je suis vraiment persuadée que Dieu nous permet de nous adresser à lui par le biais de notre langage personnel, à notre manière, selon notre personnalité et nos talents. Pour cela, puisqu’Il t’a donné le don du chant, il te permet de lui parler par la musique. C’est comme à la Pentecôte lorsque les disciples ont reçu le don des langues et ont pu tous se comprendre selon leurs langues.
Oui. Tout à fait. C’est un donner-recevoir [Geben/Nehmen]. Je donne, et je reçois. C’est une prière mais qui passe par mon corps : si je chante en moi je suis sûre que ma gorge bouge.
Donc c’est corps et âme. Le chant intérieur n’est pas une chose abstraite. Il te prend dans toute ta personne.
Oui. En allemand on dit : cela vient du ventre [Es kommst aus das Bau herauf]. Cela vient de ces profondeurs et cela me dépasse [überkommt mich]. Cela monte vers Dieu. Jeudi soir, pendant la nuit d’adoration, lorsque j’étais toute seule de 3h à 4h du matin dans l’oratoire de la maison à veiller le Saint Sacrement, je me suis mise à chanter. Au début c’était seulement à l’intérieur de moi, et puis à un moment cela a commencé à sortir et à devenir sonore.
Je comprends. J’ai aussi joué du violoncelle seule dans des églises devant le Saint Sacrement et c’était une expérience très profonde.
C’est une expérience bouleversante.
Et puisque cela partait de l’intérieur et à un moment devenait un véritable son, crois-tu qu’il y a une continuité entre cet espace qui est en toi et le « dehors » ? Au violoncelle nous avons la médiation de l’instrument mais à la voix c’est moins évident. Crois-tu qu’il y ait deux voix, une qui est en toi, une dehors, est-ce qu’il n’y a qu’une voix ?
Je crois qu’on peut chanter avec beaucoup de voix. Nous n’avons qu’une voix, mais on peut moduler notre manière de nous en servir. Si je suis dans un groupe par exemple, je vais faire attention à ce que ma voix ne soit pas plus forte que celle des autres. Si je chante une deuxième voix il faut qu’elle se fonde avec les autres [sich anpassen] de sorte d’avoir une bonne homogénéité. Bien sûr c’est différent si je me mets debout et que je chante un air de Bach, Händel ou Mendelssohn, « Sei Stille dem Hern » pendant la communion par exemple.
Quel est cet air ?
Je l’aime beaucoup, c’est lorsque l’ange parle à Eli et lui dit : « Sois silencieux et attend-le, il va venir te donner tout ce que ton cœur désire ».
Si je chante cela, je chante avec toute ma voix, celle que j’ai reçu comme un don, qui a un timbre, une couleur etc, mais toujours en faisant attention à ce qu’elle se fonde bien dans le contexte.
Comment cela ?
Si c’est une grande salle je chante plus fort, si c’est plus petit je suis plus discrète. L’intensité est quelque chose que l’on apprend à régler.
Et est-ce que tu aurais la même voix pour chanter un air religieux ou un air d’opéra ?
Si je chante Carmen par exemple, je prends certainement un caractère différent.
On ne peut pas chanter sans mettre en lumière l’aspect érotique de Carmen. L’air d’église demande qu’on chante avec son cœur, mais sans cette dimension sensuelle, érotique. Est-ce que tu connais Schuman : « Frauenliebe und Leben » ?
Non.
J’aime beaucoup le premier.
Si je chante ce texte, même en concert, je le chante pour Dieu qui est mon époux (Sylvia fait partie de l’ordre des Vierges Consacrées). Cela dit, ce texte signifie certainement quelque chose d’autre pour d’autres personnes.
La musique, son texte, s’inscrivent dans ta vie personnelle. Ils prennent sens selon ce que tu es.
Oui bien sûr.
Et lorsque c’est en langue étrangère, comment fais-tu ?
Je cherche ce que chaque mot veut dire dans l’autre langue afin de comprendre ce que cela signifie. Sans cela ce serait purement phonétique.
Je comprends. Cela dit, parfois cela ne résonne pas avec toi, ou cela va même à l’encontre de ce que tu vis n’est-ce pas ? Je me souviens d’un musicien qui me racontait qu’à l’heure où il apprenait la mort d’un ami, il avait dû jouer quelque chose d’exubérant et joyeux lors d’un concert, et que cela avait été extrêmement difficile pour lui.
Oui. Lorsque je chante un rôle, je suis ce rôle. Si ce n’est pas tellement compatible avec ma vie de chrétienne, la séduction à la Carmen par exemple, c’est un peu difficile. Mais il faut devenir ce que l’on chante je crois. Si je chante Didon, je dois devenir cette reine qui souffre, endure beaucoup. Cependant, il faut faire attention à maintenir tout de même une séparation entre le personnage et soi. Dans le dernier air, « When I am laid in earth », la reine souhaite mourir.
C’est quelque chose de plus facile à chanter lorsqu’on est triste. Et pourtant, il ne faut aussi pas se complaire dans ces malheurs. Sans commencer à pleurer soi-même, il faut pourtant chanter de telle sorte que le public commence à pleurer.
Oui.
Et après avoir chanté l’air, il faut toujours sortir de ce rôle.
Je comprends. Cela me fait penser à la fabuleuse méthode de théâtre de Stanislawski[1]. Il a beaucoup travaillé la question du rôle pour le théâtre et je sais que de nombreux musiciens lisent ses ouvrages en France. Dans son livre il montre qu’on ne peut pas faire semblant d’être Didon.
Tout à fait. Sinon le public sent qu’on fait « comme si ». On doit vraiment se dire « moi, je suis dans ce rôle ». Après c’est différent dans le cas des « Lieder », ou des « Romances » comme celles de Brahms, la musique expressionniste de Ravel.
Parce que c’est narratif ?
Ça peut être narratif mais ça peut aussi être un dialogue, cela peut être un rôle d’homme chanté par un homme, rôle de femme chanté par une femme, rôles de travestis etc.
Comme quoi ?
Oktavian dans Rosenkavalier de Strauss par exemple.
Orphée et Euridyce de Gluck par exemple. A l’époque baroque ces rôles étaient toujours chantés par des castrats. Maintenant c’est souvent des femmes qui jouent le rôle d’Orphée.
Ce ne sont pas des contre-ténors ?
Ça peut. De nombreux rôles de mezzo-soprano sont des rôles que chantent aussi les altos, ou des rôles travestis.
Tu aimes qui comme chanteuse par exemple ?
Christa Ludwig, et beaucoup d’autres !
Comment forme-t-on sa voix ? Pour les violoncellistes on achète un instrument qui nous plaît, on fait avec le matériel. Pour les chanteurs c’est différent n’est-ce pas ? C’est soi, lorsqu’on travaille le son de sa voix on se travaille soi-même. On peut se modifier, se travailler, mais comment ? Qu’est-ce que le « toucher » du chanteur ?
Pour les chanteurs c’est le timbre. Je peux reconnaître tout de suite un chanteur par son timbre, comme tu reconnais tout de suite un violoncelliste par son toucher. En ce qui concerne la formation de la voix, il faut dire que les professeurs ont beaucoup d’influence. Ils doivent être très conscients de cela dans leur enseignement. Lorsque j’étais petite j’avais une voix forte, mais pas spécialement jolie. Pourtant j’avais toujours ce désir de chanter. Vers 20 ans, 22 ans, je travaillais dans un bureau mais je voulais faire des études de chant. J’ai donc commencé à travailler. Le travail était important pour moi car je n’étais pas naturellement dotée. Au contraire de cela, certaines personnes ont naturellement une belle voix qu’ils ne savent pas toujours travailler.
Je comprends. C’est toute la question du don finalement. Comment ça se travaille alors ?
Il faut toujours se demander comment on « sent » sa voix, car on l’entend de manière totalement différente de comment elle est, cela se perçoit dans l’enregistrement par exemple.
Oui. Je le sais car à chaque fois que je retape des entretiens avec les musiciens je suis surprise par ma propre voix !
C’est cela. Je sens si c’est aigu, mat, sourd, faible, fort [scharf, dumpf, klanglos, schwach, stark]…
Et tu sens cela ? Tu ne l’entends pas ?
Oui je le sens. La question est: comment je sens ma voix [Wie fülht meine Stimme an]? Avec la voix on est extérieur à soi.
Oui. Je pense que c’est justement le chant intérieur qui permet de sentir ce qu’on joue, plutôt que de l’écouter. En tout cas pour moi cela a été ainsi : j’ai commencé à sentir la musique et non plus à l’écouter lorsque j’ai porté mon attention vers le chant intérieur autant que vers le son du violoncelle. Et puis un jour, un ami qui m’entendait jouer m’a dit « ce qui est frappant c’est que tu fais corps avec ton instrument ». Pour moi ça a été le signe que j’étais arrivée là où je voulais. Mais je crois que pour certains cela est naturel.
Ça c’est un don je trouve.
Alors quel est le don pour la voix ?
Je crois que chacun a une voix, mais parfois on ne sait pas « sentir » la voix.
Pourtant certaines personnes chantent faux, non ?
Oui, mais si on prend du temps avec l’enfant et qu’on le fait travailler, il peut réussir à chanter juste. J’ai eu un élève qui chantait faux comme ça, on a travaillé ensemble et maintenant il chante juste ! Il n’a pas une grande voix, mais il peut chanter, au moins jusqu’à un certain point.
Après je suis sûre que ce « don », est aussi lié à notre environnement familial. Comme tu le sais puisqu’il s’est avéré que mes parents avaient pris des cours de chant avec ta maman Elisabeth Guy-Kummer à Paris il y a presque trente ans lorsque ma mère m’attendait (notre rencontre en Autriche est donc vraiment incroyable), depuis que je suis dans le ventre de ma mère j’entends la musique. Je pense que cela a participé à me donner une bonne oreille.
Oui. Personnellement, je comprends mon rôle de professeur comme le fait d’aider les étudiants à trouver leur voix.
On dirait l’histoire de la petite Sirène d’Andersen qui doit retrouver sa voix…
Cette voix est aussi constituée du souffle, apprendre le chant c’est aussi apprendre à respirer. Le chant est la continuité de la respiration [Das Singen ist eine Verlangsamte Ausatmen]. La plupart des gens ne savent pas respirer comme il faut.
Mais pourtant, c’est quelque chose de naturel !
Oui… mais on respire en général en haut, et pas par l’estomac, alors que c’est très important de respirer par l’estomac pour chanter bien, se sentir mieux etc. C’est d’ailleurs la première chose que j’apprends à mes étudiants : apprendre à respirer [reflektorische Atmung]. Si tu veux je te montre cela en te donnant un petit cours quand on a fini.
Oui ! Bien sûr !
En allemand on dit : le chant est une respiration modelée [Singen ist gestaltenes Ausatmen].
Le souffle est formé en son.
Oui. La respiration est quelque chose d’essentiel. Et c’est difficile car il suffit d’être enrhumé pour que la respiration change. Le corps est ton instrument. Toi, tu peux mettre ton violoncelle dans un coin et il est sans vie tant que tu ne le joues pas. Moi je suis mon instrument. Je suis ma voix. La technique aide à pouvoir chanter même si ça ne va pas. Mais seulement dans une certaine mesure : le timbre n’est pas le même selon que tu es heureuse ou malheureuse. Je ne sais pas si tu connais Angelika Kirschlager mais elle raconte dans un interview que le jour où elle a vu l’attentat des deux tours jumelles à New-York, elle a perdu sa voix. Elle avait eu un choc trop grand. Elle devait chanter en concert mais elle n’a pas pu. L’émotion a ainsi un pouvoir puissant sur la voix.
Oui. Cela arrive particulièrement aux personnes pour qui la voix est un instrument.
Et alors est-ce que tu penses qu’à l’inverse, un épanouissement personnel, la rencontre de Dieu dans ta vie par exemple, change le timbre de ta voix ?
Je ne saurais pas te dire car j’avais fait depuis longtemps ma consécration à Jésus lorsque j’ai vraiment commencé à chanter. Cela dit, depuis que je suis vierge consacrée ma voix a changée. Elle est devenue plus intense [intensiver, in der Tiefe, berührend]. Ce sont des choses que des personnes qui m’écoutaient m’ont dit. Je ne le dis pas de moi-même.
Dieu est venu « habiter chez toi » et il a changé ta voix…
C’est cela. Et je vais te raconter quelque chose. En Avril 2014 ma mère est venue écouter un récital que je faisais, c’est la dernière fois qu’elle est venue en Autriche avant de tomber malade. J’ai chanté devant elle, elle est venue me voir à l’entracte, après la « Frauenliebe und Leben », elle pleurait et m’a dit que je n’avais jamais si bien chanté. Bien sûr j’ai été très touchée de ce qu’elle me disait. D’autant plus que ce jour-là j’avais chanté pour Jésus, et que je suis sûre qu’elle avait entendu cela. Quand je chante pour Dieu je suis sûre que ma voix change.
Je crois aussi que quelque chose s’est libéré avec mon violoncelle, il y a eu un lâcher-prise au niveau musical lorsque j’ai laissé Dieu habiter en moi, « Indwelling » comme on dit en anglais. J’ai aussi respiré différemment en jouant. Le souffle, ce n’est pas anodin, ce n’est pas juste physique, c’est le mouvement du « pneuma », de l’Esprit Saint. C’est ainsi que parle Dieu : il s’exprime dans le « murmure d’une brise légère », une « voix de fin silence »[2], « verschwebenden Schweigens » comme traduisent Buber et Rosensweig en allemand. Pour moi le chant intérieur EST corporel, est respiré.
C’est aussi scientifique : si on ne respire pas et chante sans respirer, on devient fou. En même temps il ne faut pas entendre sans arrêt la respiration du chanteur. Il faut respirer sans que ce soit perceptible en un sens.
Oui. J’ai un prof qui m’avait dit que je ne « respirais pas avec mon archet ». Et c’était vrai. Je crois qu’auparavant je respirais et jouais sans que ça soit lié. Maintenant j’apprends à lier les deux et « respirer avec mon instrument ».
A ce moment-là on donne tout. Et quand on donne tout en concert on en ressort complètement épuisé.
Oui. On a tout donné et on est aussi allé au bout de soi-même, de sa personnalité, du don que l’on a reçu. Pour moi le don c’est aussi quelque chose de spirituel. Je me souviens d’un prêtre qui avait dit un jour en retraite : « la liberté intérieure c’est devenir ce que l’on est », cela m’avait beaucoup frappée car j’y avais vu une invitation à exprimer les dons que Dieu m’avait donné, les talents, la philosophie, le violoncelle.
C’est cela. On va au bout de soi-même… mais en Dieu. Et par un travail du corps. Si je chante vite, que je donne tout, mon cœur bat plus fort. Mon sang circule plus vite. C’est un effort [eine Anstrengung].
Cet effort n’est pas fait pour me mettre en avant, moi, n’est-ce pas ? On sert quelque chose, la musique en premier d’ailleurs.
Oui. Je suis une interprète. Un moyen [Werkzeug]. Mais je dois tout faire pour travailler ma voix, la mener jusqu’au meilleur d’elle-même.
Je comprends. Dans mon dernier travail de recherche j’en suis arrivée à la conclusion que l’interprétation était un témoin, la marque de quelque chose qui se passait avant dans l’intériorité. Le chant que l’on entend témoigne du chant intérieur. De ce point de vue, être interprète c’est témoigner.
Le musicien est ce qui laisse passer la musique oui [durchlässig]. Ça passe à travers lui.
Est-ce que tu penses que le par-cœur favorise cela ?
Je pense que oui. Si je sais bien par-cœur je ne pense plus. C’est plus direct. Tu donnes une autre impression [du wirkst anders] : c’est plus intense, tu agis plus librement, si tu dois tenir tes partitions tu es figé. Pour moi la partition ne devrait être qu’un soutien.
Je comprends.
C’est encore plus beau lorsqu’on chante un « Lied » sans partition.
Parce qu’on l’a intériorisée en fait.
C’est cela.
Penses-tu que tout ce que tu vois d’autres : les paysages d’Autriche ici, la France, influence ton intériorisation de la musique ? Pour moi, après avoir voyagé en bus pendant un mois entre l’Allemagne et l’Autriche, le romantisme ne pouvait naître qu’en Allemagne où l’on trouve quelque chose comme les montagnes de la Bavière sud. Même l’Autriche est plus primesautière.
Comme tu le sais ma mère est française mais j’ai toujours vécu en Autriche. Je crois que oui, l’Autriche influence mon chant. La langue également : je n’ai pas la même voix en français et en allemand.
Oui. Même lorsqu’on parle des langues différentes notre timbre change.
C’est cela. Je crois que mon timbre devient plus sombre [dunkler] mais aussi lumineux [strahlend] lorsque je parle français. Puis ça dépend du contenu : ce n’est pas pareil de chanter un Lied ou Carmen.
Oui bien sûr. Le professeur peut aider à révéler différents aspects de la voix comme ça.
Tout à fait. En ce qui me concerne je les prends là où ils sont [ich hole Sie ab, wo sie sind]. Et je cherche à leur donner des partitions qui leur plaisent, nous cherchons ensemble, on les regarde ensemble, je leur chante un petit peu, et ils se décident.
Cette attraction est importante pour s’engager dans l’interprétation je trouve.
Oui. C’est comme cela que l’on peut approfondir l’interprétation, chercher la voix, les vocalises etc.
Je comprends. Je crois que je suis arrivée à la fin de mon questionnement. Merci beaucoup pour cette belle discussion.
Je te donne un petit cours de chant ?
Ja, gern !
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[1] https://www.amazon.fr/formation-lacteur-Constantin-Stanislavski/dp/2228894451
[2][2] Traduction TOB : « Elie à l’Horeb. Désignation d’Elisée comme successeur
1Akhab parla à Jézabel de tout ce qu’avait fait Elie, et de tous ceux qu’il avait tués par l’épée, tous les prophètes. 2Jézabel envoya un messager à Elie pour lui dire : « Que les dieux me fassent ceci et encore cela si demain, à la même heure, je n’ai pas fait de ta vie ce que tu as fait de la leur ! » 3Voyant cela, Elie se leva et partit pour sauver sa vie ; il arriva à Béer-Shéva qui appartient à Juda et y laissa son serviteur. 4Lui-même s’en alla au désert, à une journée de marche. Y étant parvenu, il s’assit sous un genêt isolé. Il demanda la mort et dit : « Je n’en peux plus ! Maintenant, SEIGNEUR, prends ma vie, car je ne vaux pas mieux que mes pères. » 5Puis il se coucha et s’endormit sous un genêt isolé. Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi et mange ! » 6Il regarda : à son chevet, il y avait une galette cuite sur des pierres chauffées, et une cruche d’eau ; il mangea, il but, puis se recoucha. 7L’ange du SEIGNEUR revint, le toucha et dit : « Lève-toi et mange, car autrement le chemin serait trop long pour toi. » 8Elie se leva, il mangea et but puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb. 9Il arriva là, à la caverne, et y passa la nuit. – La parole du SEIGNEUR lui fut adressée : « Pourquoi es-tu ici, Elie ? »10Il répondit : « Je suis rempli de zèle pour le SEIGNEUR, le Dieu de l’univers : les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l’épée ; je suis resté moi seul, et l’on cherche à m’enlever la vie. » – 11Le SEIGNEUR dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne, devant le SEIGNEUR ; voici, le SEIGNEUR va passer. » Il y eut devant le SEIGNEUR un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers ; le SEIGNEUR n’était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; le SEIGNEUR n’était pas dans le tremblement de terre. 12Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; le SEIGNEUR n’était pas dans le feu. Et après le feu une voix de fin silence. 13Alors, en l’entendant, Elie se voila le visage avec son manteau ; il sortit et se tint à l’entrée de la caverne. Une voix s’adressa à lui : « Pourquoi es-tu ici, Elie ? » 14Il répondit : « Je suis rempli de zèle pour le SEIGNEUR, le Dieu de l’univers : les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l’épée ; je suis resté moi seul, et l’on cherche à m’enlever la vie. » 15Le SEIGNEUR lui dit : « Va, reprends ton chemin en direction du désert de Damas. Quand tu seras arrivé, tu oindras Hazaël comme roi sur Aram. 16Et tu oindras Jéhu, fils de Nimshi, comme roi sur Israël ; et tu oindras Elisée, fils de Shafath, d’Avel-Mehola, comme prophète à ta place. 17Tout homme qui échappera à l’épée de Hazaël, Jéhu le tuera, et tout homme qui échappera à l’épée de Jéhu, Elisée le tuera, 18mais je laisserai en Israël sept mille hommes, tous ceux dont les genoux n’ont pas plié devant le Baal et dont la bouche ne lui a pas donné de baisers. »
19Il partit de là et trouva Elisée, fils de Shafath, qui labourait ; il avait à labourer douze arpents, et il en était au douzième. Elie passa près de lui et jeta son manteau sur lui. 20Elisée abandonna les bœufs, courut après Elie et dit : « Permets que j’embrasse mon père et ma mère et je te suivrai. » Elie lui dit : « Va ! retourne ! Que t’ai-je donc fait ? » 21Elisée s’en retourna sans le suivre, prit la paire de bœufs qu’il offrit en sacrifice ; avec l’attelage des bœufs, il fit cuire leur viande qu’il donna à manger aux siens. Puis il se leva, suivit Elie et fut à son service. »